Après la naissance
L'accouchement s'est plutôt bien passé de manière générale, compte tenu des circonstances. J'étais très fatiguée, on m'a alors d'abord laissée me reposer. Puis, lorsque j'ai été dans un état suffisamment stable, on nous a annoncé à mon mari et à moi que nos filles étaient actuellement toutes les deux vivantes, cependant il ne fallait pas s'attendre à ce que Chamonie survive longtemps, les médecins les plus optimistes lui donnaient un an tout au plus si vraiment son état venait à bien s'améliorer, mais de manière générale tout le personnel soignant était d'accord pour nous conseiller d'être prêt à lui faire nos adieu à n'importe quel moment, ils nous ont aussi dit qu'il fallait s'attendre à d'importantes complications pour Charlène causés par la prématurité.
Du côté des filles, à cause de la grande prématurité leurs poumons n'étaient pas assez développés pour respirer seuls, elles ont donc très rapidement étaient intubées toutes les deux. Cela a ensuite causée une bronchiodysplasie importante chez Chamonie. Elle est restée intubée pendant près d'un mois, mais son oxygénothérapie à continuée par la suite avec une cpap (ventilation en pression positive continue), puis pour finir avec des lunettes à oxygène (dont elle est toujours régulièrement dépendante).
Les soins, ainsi que les problèmes, se sont ensuite enchaînés pour elle. Notamment la pose d'une sonde gastrique, car elle était dans l'incapacité de téter ou de boire un biberon. Plusieurs perfusions pour lui administrer les médicament et lui apporter des nutriments dont elle manquait ou supplémentaires. Et puis d'autres termes médicaux, qui même si ils désignaient des soins me paraissaient "barbares" et que j'essayais alors de ne pas retenir. Durant des semaines semblants interminables les journées s'enchaînaient pour moi, les visites quotidiennes au service de réanimation néonatale étaient quasiment toutes les mêmes. C'était impossible d'être réellement une mère dans ces conditions, les filles étaient si fragiles qu'il m'était au début interdit de les toucher, c'était tout le temps les infirmières qui s'occupaient d'elles, j'avais l'impression que mes filles avaient plus de liens affectifs avec elles qu'avec moi, leur propre mère. Quelques fois avec un peu de chance, si l'état de santé des filles le permettait, j'était autoriser leur faire la toilette avec l'aide des infirmières, ou à les prendre dans mes bras quelques minutes. Alors, cela égayait la journée, mais rendait aussi le retour dans ma propre chambre très douloureux.
Je me souviens lorsque j'allais les voir, notamment Chamonie, qu'il y avait tant de tuyaux et fils en tout genre qu'on distinguait à peine le bébé en dessous, je me demandais comment c'était possible de faire tenir tout ça sur un si petit corps, comment ils arrivaient à faire rentrer autant de tuyaux par sa bouche, par son nez, combien d'endroits avaient-ils dû piquer pour placer toutes les perfusions, etc... Je me souvient également du nombre de machines disposées autour d'elle, elles avaient toutes leur propre petit "bip" distinctif, certaines ne sonnaient pas au même rythme que les autres, la machine à oxygène faisait un bruit de ronflement résonnant dans toute la pièce, tout ceci créait une sorte de mélodie propre à l'univers hospitalier, une mélodie insupportable mais dont on finissait par s'habituer à la longue, en ce disant qu'elle signifiait que notre enfant était toujours en vie, jusqu'à ce que l'une des machines vienne perturber le calme de cette mélodie avec ses fausses notes stridentes et rapides, et qu'un bataillon d'infirmières ne débarque dans la chambre les unes après les autres en courant pour essayer de comprendre et régler le problème. Puis, s'en suivait l'habituel débriefing avec les médecins, pour nous expliquer en détails les nouveaux problèmes survenus dans l'état de santé de notre fille, les mesures à prendre, le déroulement du traitement, pour finir avec le très connu mais détesté "préparez-vous à la perdre".
Au final, notre petite Ninette, comme on l'appelle, s'est battue sans relâche, faisant mentir les médecins qui la condamnaient à mourir chaque jour.
Et après plus de deux mois et demi séparées l'une de l'autre, Charlène et Chamonie ont enfin pu être ensemble, se toucher, et même dormir dans le même lit. Jusqu'à lors elles n'avaient eu droit à aucun contact entre elles, simplement qu'elles étaient dans la même chambre, alors peut-être pouvaient-elles se voir un peu à travers les paroi transparentes de leurs lits, ou au moins sentir la présence de l'autre. Je pense en tout cas que la gémellité les a aidées à surmonter ces épreuves, presque trop grandes pour de simples petits nourrissons, être conscient de la présence de l'autre à ses côtés, savoir que quelqu'un vous attend, cela leur à donner la volonté et la force de se battre, de survivre, chacune l'une pour l'autre, j'en suis persuadée. Le lien qu'elles ont ensemble est bien plus fort que le lien que chacune a avec moi, leur père, ou encore leur frère et leur soeur. Dès qu'elle ont commencé à pouvoir être ensemble elles avaient un besoin compulsif d'être tout le temps collée l'une à l'autre, de se tenir, de se regarder, au début les séparer était très compliqué car elles se mettaient à pleurer, hurler, gesticuler dans tous les sens pour essayer de rejoindre l'autre, c'était pourtant obligé pour certains soins, heureusement se comportement s'est vite stoppé lorsqu'elles ont compris que la séparation n'était que temporaire, non pas que de voir ses enfants pleurer et dans tel état parce-qu'ils étaient séparés était déjà douloureux en tant que parents, mais aussi et surtout parce-que de telles crises était très éprouvants pour leurs petits coeurs et leur santé déjà fragiles, et pouvaient leur être fatal. Au début, de les voir si proches, si dépendantes l'une de l'autre, m'effrayait, j'ai longtemps hésiter à les séparer à nouveau, à ne plus les mettre ensemble, je ne voulais pas qu'elles s'habituent trop l'une à l'autre de peur que l'une d'elles meurt et que se soit invivable pour la survivante, d'autant que la vie de Chamonie ne tenait pas à grand-chose. Mais j'ai vite compris que de toute façon d'avoir étaient ensemble dans mon ventre pendant la grossesse était suffisant pour ressentir le manque de l'autre si elle venait à disparaître, et aussi que la gémellité était une force avant tout pour elles, que temps qu'elles auront ce lien aucune épreuves, aussi difficile soit-elle, ne leur sera insurmontable. Je reste encore aujourd'hui persuadée que si mes deux filles sont toujours vivantes c'est uniquement grace à la gémellité.
Le 6 janvier 2010, après 7 mois et plus de 3 semaines, ainsi que son premier noel et jour de l'an, passés en réanimation neonatale, Chamonie quitte la maternité. Mais ce n'est pas encore pour rentrer à la maison (contrairement à Charlène, rentrée plusieurs mois auparavant). Elle est transférée à l’hôpital Cardiologique Louis Pradel de Lyon, à une heure de chez-nous, pour subir sa première opération.
Elle est opérée une semaine plus tard, le 13 janvier 2010. Une opération à coeur ouvert de près de dix heures au bloc, dont elle ressortira vivante. Mais, même si cette première étape fut passée avec succès, nous ne pouvions encore être soulagés, Chamonie n'était pas encore réveillée et il lui fallait maintenant affronter la réanimation.
J'ai seulement de nouveau eu le droit de la prendre dans mes bras 12 jours après l'opération. Elle est restée hospitalisée pendant un mois et demi. Puis, le 3 mars 2010 elle est enfin rentrée à la maison, en soins palliatifs, 8 mois et 3 semaines après sa naissance. |
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